La préservation du patrimoine technique peut prendre bien des chemins quand la motivation est là…
Pendant des décennies, la sirène des usines Renault a rythmé les journées de travail des ouvriers, puis elle s’est tue. Le 31 mars 1992, elle pousse son dernier cri, avec l’arrêt des chaînes de montage sur l’île Seguin de Boulogne-Billancourt.
Thierry Farges, collectionneur membre de l’UNIVEM, refuse alors de la voir disparaître. Il la récupère et parvient à la réveiller au terme d’une patiente restauration, aidé par Michel Juishomme, un autre collectionneur, pour le moteur électrique. Installée en haut du bâtiment 6, c’est elle, de ses huit grands cônes, perchée sur ses frêles jambes de sept mètres de haut, qui décidait de libérer les ouvriers laborieux pour leur ouvrir la voie du repos et qui les jetait par brassées dans les bouches du métropolitain. C’est elle également qui sonnait la reprise du travail. C’est elle encore qui sonna le début des grèves du front populaire en 1936. C’est elle aussi qui annonçait de ses hurlements lugubres les hordes de bombardiers alliés venant déverser la destruction et la terreur durant l’hiver 42, et qui sauva ainsi de nombreux ouvriers et habitants du quartier. C’est elle qui fit office de glas lors du décès de Pierre Lefaucheux en 1955, comme pour celui de Georges Besse en 1982. C’est elle à nouveau qui fit entendre sa voix lors des évènements du printemps 68. C’est elle enfin qui sonna une ultime fois pour marquer l’arrêt définitif des chaînes et la tombée de la dernière Renault Supercinq, ce fatidique jour du 31 mars 1992.
Restaurée par son sauveur, la tôlerie fut débosselée. L’imposant moteur électrique de 1200 watts fut reconditionné et remis en fonction.
Acquise par la Municipalité de Boulogne Billancourt lors du salon Retromobile de 2004, La ville prévoit de la remonter sur un futur pavillon de la mémoire, sur l’Île Seguin.
(photos du Parisien issues de l’article de Jean-Marc Navarro)